mercredi 12 novembre 2014

Côté coeur, côté jasmin.

Elles, Pièces Uniques,


Rôle d'une vie que celui joué à tes côtés. Allons, laisse toi aller à cette pièce qui te veut actrice douée et moi, Dom Juan presque, Roméo certain. Entrons côté coeur et jouons.

Pour commencer, nous deux, seuls, transis, de froid bien entendu, l'amour suivra. Mais plus tard. Pour l'instant nous sommes dehors, transis de froid donc, les souffles incertains, usines à nuages éphémères.

Le décor. Un arrêt de bus. Vu et revu. Un café alors ? Pourquoi grelotterions-nous donc si nous sommes dans un café ? Un café sans chauffage peut être ? Non, même avec cela, c'est cliché. Très
bien, alors un champ de bataille, en hiver, en Russie, par -30. Da, ça me convient.

" Excusez-moi dirais-je, mes dents se fracassant l'une l'autre, c'est de quel côté le désert de Gobi ? " Tu me regarderais et lèverais  les yeux côté droit, fouillant ton cerveau à la recherche d'une réponse.  " Après le troisième étendard, à gauche il me semble. " laisserait filtrer suavement ta bouche, " vous ne devriez pas le rater. " Je m'émerveillerais de ta connaissance géographique, moins de tes yeux ni tout à fait bleus, ni tout à fait verts, se cherchant encore. Mes yeux fixeraient les tiens et ma bouche laisserait échapper, ayant berné ma vigilance, au bonheur des spectateurs absents : " Auriez-vous le temps de partager une fondue avec moi ? J'habite à quelques stations de métro d'ici. " Tu me regarderais avec de gros yeux larmoyants de froid, bleus cette fois et me répondrais : " C'est exactement ce à quoi je pensais. En même temps, depuis le temps que je suis à Paris, je n'ai pas encore mangé, une spécialité typique pensez-vous! " Nous prendrions le bus et ensuite le train pour Lyon, puisque le métro serait malheureusement en panne. Nous mangerions ensemble, ne s'arrêtant de parler que pour porter à nos bouches cette délicieuse soupe que tu m'aurais faite.

À l'acte suivant, nous nous tiendrions par la main. Tu serais ensevelie, prisonnière de mes yeux quand je serais noyé au fond des tiens. Entrerait alors par une porte dérobée Amare, mon valet, nous entretenant de choses douces et sans intérêt, ces petits rien qui sont le sel de la vie. Nous nous enfoncerions mollement dans ce nouveau lit que nous aurions acheter ensemble après avoir arpentés comme deux âmes errantes au  bord de l'agonie, les allées étroites et bondées d'un Ikea-grotte. Nous nous mêlerions à ne faire plus qu'un, Amare papillonnant autour de nous, muet d'émotion. Et les choses iraient ainsi, pas pour très longtemps, jamais assez de toutes les manières.

                                  
                                                    Perturbateur, Reine aux pics ardents.

Costume provocateur, robe noire, tiare aux diamants scintillants. Les yeux noirs, les cheveux châtains. Elle n'entrerait par aucune porte connue, mais serait portée par un vent et pénétrerait plus insidieusement encore, n'étant qu'une idée, un horrible secret à porter. Et elle te conspuerait en mon esprit, étant d'autant plus nombreuse que jamais je ne la verrais. Elle trônerait sur son piédestal, fait  de douleurs et de regrets, humide des larmes qui depuis tant d'années coulent, l'irriguant sans cesse. Et elle ne parlerait jamais, muette par plaisir, bavarde des actions qu'elle insuffle. 

Amare se ferait plus discret, ne venant presque plus. N'apparaissant qu'à ces moments où, ne réfléchissant plus vraiment à ce qui sera, nous glisserions sur une flaque de nostalgie et retomberions dans un souvenir. Alors les choses auront la délicieuse chaleur de ce lit que nous avions acheté, son confort, les sillons de ses draps que nous connaissions, routards avertis sur une route parcourue mille fois. Et le temps d'une nuit, nous nous retrouverions, s'étant perdu au fil des scènes, victimes d'un fantôme. Mais cela n'a plus d'importance, le temps est compté, tous comme nos jours, nos vies, nos sourires. Les dialogues les plus incertains construisent ce que les monologues les plus réfléchis fissurent.
                  
                                                  Raisonneur Carré, monstre de logique.

Et à tout le reste, succéderait la raison. Les délires ne seraient plus que des mirages incertains, des reflets au loin. Nous aurions d'un coup grandi, enfants hier, aujourd'hui adultes. Et dans ce laps de temps qui n'aurait pas tout à fait durer une vie, nous nous serions raisonnés.
Raisonner à ne plus se comprendre. La logique aurait fait de nous des êtres à l'esprit éclairé des lumières absentes de nos cœurs. Et dans un sombre prisme où nous ne nous verrions plus, nous biaiserons ces visages sur lesquels, hier, nous aurions posé un baiser.

Et d'un coup, comme cela avait commencé, au détour d'un champ de bataille, en hiver, par -30, le rideau tomberait sur cette pièce en une neige au goût acre, simulacre d'un printemps japonais, cerisier en fleur pleureur.    






                                                                                                  sublimées.
                                               Amour, théâtre de deux vies jouées.
                                                                                                   huées.

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